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Erebus

L'univers "dark fantasy" d'Erebus et ses centaines d'histoires traduites du mod de Civilization IV: "Fall From Heaven II"

Les Petits Avares - Partie 1

Publié le 31 Octobre 2016 par Stoik

kandros

 

Les Khazads

     Durant l'Age de la Magie, les nains n'étaient pas la nation unie qu'ils deviendraient à l'Age de l'Hiver. Ils n'avaient pas de grande armée, alors les dirigeants voisins abusaient de leur bonté naturelle à l'occasion de leurs échanges commerciaux. Ces comportements engendrèrent la méfiance des nains envers les étrangers à tel point qu'ils émigrèrent profondément sous terre.

     Leurs anciennes cités, accueillantes et construites près des cols montagneux furent peu à peu abandonnées au profit de communautés souterraines plus sûres. Les tribus se rapprochèrent et, peu à peu, une civilisation unifiée s'éleva du nombre: les Khazads. Les nains commencèrent même à se demander pourquoi ils s'étaient jusque-là mêlés aux autres peuples.
     Vers la fin de l'Age de la Magie déjà, peu de nains pouvaient être aperçus par les autres races, et il sera même dit plus tard que, profondément installés dans leurs demeures souterraines, ils ne remarquèrent pas l'arrivée de l'Age de l'Hiver, et ce pendant près de trois générations. Ces dires sont toutefois très certainement exagérés. Ainsi, pendant que les royaumes des hommes et des elfes dépérissaient sous le règne de Mulcarn, les nains se développèrent lentement mais sûrement.
 

Kandros Fir

     Arturus trouva son ami à la bougie. Les torches étaient interdites dans cette salle sanctifiée, profondément située dans Les Souterrains. La suie et la fumée qu'elles dégageraient noirciraient les runes sculptées sur plusieurs rangées de colonnes, elles couvriraient les noms et les actes des plus glorieux ancêtres Nains. Les très vieux Nains qui gardaient ces sites y gravaient de nouvelles histoires et enseignaient aux plus jeunes comment les lire. Ils se faisaient officiellement appelés 'Gardiens des Runes' et plus communément 'Prophètes des Ecritures'. Ils déchiffraient ces inscriptions à l'aide de leurs bougies jusqu'à en perdre la vue, apprenant par coeur chacun de leurs mots et chacune de leurs lettres. Kandros Fir se trouvait au bout de la section racontant son Clan, dans la Salle des Runes, une paire de ciseaux à la main.
     "Je savais que je te trouverais ici", dit Arturus, s'agenouillant près de lui.
     "J'étais son plus proche parent. Je me dois d'ajouter son nom et ses exploits à notre histoire."
     "Bien sûr, mon vieil ami. Mais ça n'est pas là ton seul projet?", demanda Arturus.
     Kandros baissa la tête, "Je suis loyal à notre roi, par mon sang je suis loyal."
     "Mais?"
     "Plutôt tomber sous ma propre hache qu'abandonner aussi soudainement ma famille! Imagine que ton cousin manque à l'appel depuis si longtemps. Que ferais-tu?"

     Arturus grogna. "Ne me parle pas de ce vaurien. A ta place je serais déjà bien content que beaucoup de ses frères aient été en âge de le précéder comme roi, et en particulier ce bon Kanlore."
     "Mais?"
     "Mais... son destin étant probablement lié à celui de Luach, je creuserai jusqu'aux enfers de Mammon pour le retrouver! A moins que mon roi ne me l'interdise! Je ne connais que mieux l'importance des liens de parenté... y as-tu pensé au moins? Abandonnerais-tu ton devoir familial et tes amis pour une quête aussi insensée? L'hiver t'emportera comme les autres, et pour quel accomplissement?"
     Kandros se redressa, il reposa son marteau et ses ciseaux sur l'autel, enfin il se retourna pour partir. "Mon devoir est aussi d'être présent pour mes amis bien sûr, cher Arturus. Mais Luach Fir est seul. Alors si notre amitié a un sens pour toi, tu n'essaieras pas de te mettre en travers de mon chemin."

     Il n'avait pas été facile de rejoindre la surface. Personne n'avait été habilité à s'y rendre depuis que le cousin de Kandros, Luach, était parti l'explorer. L'hiver faisait rage, comme depuis plus de six générations déjà, mais le jeune Luach, intrépide, avait adressé une requête à Kanlore pour qu'il l'autorise à explorer la surface gelée, malgré les dangers. Il n'y avait plus assez de provisions dans Les Souterrains. Les stocks de poudre noire étaient depuis si longtemps épuisés que les derniers nains à en avoir vu n'étaient déjà plus de ce monde. Aussi, l'expansion des Souterrains par la pioche et le marteau était vécue comme un travail particulièrement épuisant. Les épices manquaient déjà dans la jeunesse de Kandros, et le porc avec les tubercules ne suffisaient plus à nourrir ses enfants. Luach avait donc finalement reçu l'autorisation de rendre compte de l'état de la surface, mais l'hésitation de Kanlore se vérifiait puisqu'on attendait encore son retour, et ce depuis plusieurs mois. Plus personne n'avait le droit de sortir, ainsi Kandros devrait se faufiler entre les patrouilles des gardes, dans le noir, et s'il devait revenir, il serait alors bien mal considéré.
     L'entrée de la demeure naine était bloquée par une porte en pierre particulièrement massive, et Kandros s'épuisa à tenter de la forcer. Finalement, en utilisant sa pioche comme levier, il y parvint et s'engagea vaillamment de l'obscurité des Souterrains qu'il connaissait si bien vers les mystères de celle de l'Age de Glace. Il apparut sur le flanc de la colline et posa un pied sur l'herbe. Pas la moindre trace de neige; l'air du soir était âpre mais pas aussi froid que ce qu'on lui avait raconté toute sa vie. Il s'étira, les bras puis les jambes, s'émerveillant de l'espace qui l'entourait, et il se mit à descendre le coteau en courant. Courir était plutôt téméraire dans Les Souterrains: le plafond y était bas, les virages serrés, et les brusques à-pics proposaient un véritable défi. Mieux valait être prudent là-dessous, alors qu'ici, c'était la liberté.
     Mais c'était aussi le danger. Kandros se retrouva rapidement cerné par de grands chiens gris. Il réalisa qu'il venait de se précipiter jusque dans leur repaire, ce qui sembla les interroger quelque peu sur la raison de son intrusion. Il eut à peine le temps de sortir sa hache que déjà un premier loup lui sauta à la gorge; mais sa lame trancha d'abord la sienne, puis le crâne de celui qui le chargea dans la foulée. Il se transforma ensuite en une sorte de tourbillon de haches et de torches jusqu'à ce que la dernière bête ne gise morte ou mourante.
     Autant d'animaux... comment pouvait-il y avoir assez de proies pour une meute de cette taille dans ce qu'il croyait être un désert de glace? Il repéra alors quelque chose d'à moitié enterré dans l'antre qu'il parcourait du regard. Il s'approcha lentement, et tira un corps des décombres, qui lui coupa le souffle. C'était clairement le corps d'un nain; un spectacle macabre après que les loups aient festoyé sur sa chair. Un motif dessiné sur ses habits prouvait qu'il appartenait à son clan, et Kandros comprit qu'il venait de retrouver son cousin. Il lui coupa la barbe et pleura au-dessus de son corps. Après un certain temps, il s'en saisit, avec l'intention d'enterrer son cadavre à la vue de l'entrée des Souterrains. Alors il remarqua... que son omoplate gauche était fendue. Pas morcelée, mais très nettement séparée en deux parties. Il l'examina avec attention. Luach avait été frappé par derrière d'un coup de hache de guerre très certainement tenue par une personne de sa taille.
     "Un meurtre..." murmura-t-il à la nuit.
     Il obtint une réponse, non pas de la nuit elle-même, mais d'un nain masqué tenant une hache de Mithril, juste derrière lui. "Lui, comme vous, n'auriez pas dû sortir seul, cher Fir." Le nain brandit alors sa hache afin de le tuer, mais il tomba maladroitement et se mit à cracher du sang.
     "Kandros!" cria Arturus dans l'entrée du repaire, sa hache enfoncée dans le cou du nain masqué. Et les deux amis s'enlacèrent.
     "J'ai trouvé Luach, et son meurtrier apparemment" lui dit Kandros.
     Arturus Thorne pâlit. "Et j'ai également retrouvé mon cousin." Le nain qu'il venait de tuer était le prince Grunnos.

     La dernière fois que Kandros avait franchi le seuil de la Salle du Roi, c'était pour demander la permission d'aller à la recherche de son cousin. Aujourd'hui, c'était pour accuser le fils du Roi du meurtre de l'un de ses parents. Si le très respecté Arturus n'avait pas été à ses côtés, on l'aurait traité de meurtrier, voire pire, de diffamateur pour avoir accusé Grunnos. Kanlore se leva de son trône et observa les deux nains, sa barbe tombait presque à ses pieds. Son fils aîné et sa Garde d'Honneur étaient flanqués à ses côtés. Autour, la salle était vide. "Vous avez défié les lois de votre peuple, Kandros Fir. Le monde extérieur est très rude, il est dominé par un dieu terrible et ses légions de géants. C'est une trahison d'avoir décidé de partir."
     Kandros n'interrompit pas son Roi, mais le condamna lorsqu'il eût fini. "La glace a disparu depuis bien longtemps, mon seigneur, et l'Hiver est terminé. Vos lois ont fait du refuge de notre peuple une prison, elles sont fondées sur des mensonges!"
     "Vrai, mon oncle," acquiesça Arturus. "Vos éclaireurs vous ont sûrement trompé des années durant!"
     "Pas des années, insensé Arturus. Les ravages de l'Hiver étaient encore réels il y a dix mois de cela."
     "Vous saviez donc ce qui se passait là-haut?" comprit Kandros.
     "Oui, mais votre cousin devait mourir et emporter ce secret avec lui, dans sa mort. La disparition du Roi de l'Hiver n'a pas tout résolu, le monde extérieur est un royaume très violent. Humains et elfes manient une magie qui peut éliminer n'importe quel guerrier. Aussi, la cupidité déclenche des guerres interminables, ou encore l'assujettissement éternel. Ici mon peuple est libre et ici il restera."
     "Nous ne sommes pas vos enfants, nous ne pouvons pas être enfermés à vie en raison de notre seule protection. Laissez les Khazads aller de l'avant et prouver leur valeur, et non se tapir dans des chambres de pierre comme s'ils étaient déjà morts! Vous nous avez volés notre esprit, et je vous traite de lâche, Kanlore, que ceci soit une trahison ou non!"
     "Assez! Gardes, tuez-les!" Les gardes d'honneur sortirent leur hache, mais se regardèrent entre eux, indécis.
     "Etes-vous devenu fou, père? Ces hommes n'ont rien fait de mal. Vous si, en vous déshonorant, ainsi que votre propre famille." Après ces mots, le Prince Toril coupa sa barbe tressée pour la jeter à la face du roi. "Vous ne méritez plus notre allégeance depuis que la perfidie de vos mots ont traversé cette pièce, comme la rangée de vos gardes." Ces derniers tinrent compte des mots de Toril, baissant leurs armes.
     "Ainsi vous changez tous de camp. Mon fils, écoute ceci: lorsque le dernier nain sera à terre, terrassé par une lance ou par un sort, sois celui dont il maudira le nom dans son dernier souffle!" Kanlore chancela lorsqu'il sortit de la salle royale, jusqu'à la surface qu'il avait tant crainte, et jusqu'à l'exil.
     Le prince se tourna vers Arturus. "Cousin, tu es mon parent le plus proche après mon père. C'est toi que notre peuple doit suivre désormais."
     Arturus se tourna à son tour vers son vieil ami. "Kandros, pourrais-tu quitter cet endroit lorsque je te le demanderai? Par ta faute je suis aujourd'hui l'assassin de l'un de nos parents, ainsi qu'un usurpateur."
     "Quoi? Mais cette répugnante scène était le fait de Kanlore!"
     "Ce que je dis maintenant, je le dis avec mon coeur mais aussi avec le poids de la couronne. Toi qui désirais tant découvrir le monde extérieur, maintenant tu dois t'y soumettre, je te bannis à jamais des Souterrains. Emporte des provisions, emmène avec toi ton clan, et prends tout ce qui pourra t'aider là-haut. Ce n'est pas une question de justice comprends-moi bien, il ne pourra seulement pas y avoir d'ordre dans Les Souterrains tant qu'un traître foulera ses couloirs. De plus, tu as rompu le décret royal lorsque tu es parti", et Arturus soupira, "comme je l'ai fait en te suivant. Toril, si tu ne désires pas être Roi, alors deviens mon Vice-Roi, et tu me couronneras là-haut, à la surface, comme pour me punir de ma désobéissance."
     Ainsi le Roi des Nains quitta Les Souterrains pour la première fois depuis plus de 300 ans, et le clan Fir, suivi de ses alliés, partit fonder sa propre nation Khazad. Avec le temps, les deux nains autrefois amis gagnèrent en puissance, et leur rivalité ne fit que s'accroître au cours de la majeure partie du dernier Age.

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