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Erebus

L'univers "dark fantasy" d'Erebus et ses centaines d'histoires traduites du mod de Civilization IV: "Fall From Heaven II"

Les Justiciers Fanatiques - Partie 4

Publié le 31 Octobre 2016 par Stoik

Rosier

 

Rosier le Procurateur

     Ils étaient quatre dans la pièce; mais la tradition voulait qu'ils ne soient que trois, et ce n'était pas dans les habitudes de l'Ordre d'aller contre les traditions. La salle était circulaire, son plafond en forme de dôme était orné d'une mosaïque représentant le Seigneur Sabathiel. Il se faisait tard, et les prières de l'après-midi faisaient écho depuis le sanctuaire.
     Rosier s'agenouilla; il était ici en sa qualité de Procurateur pour rapporter l'un des serments qu'il avait exigé. Les Procurateurs avaient deux rôles: exiger les serments, et punir ceux qui les trahissaient. Comme le prévoyait la tradition, un Confesseur devait également participer. Les Confesseurs soutiraient des informations, ils étaient les yeux et les oreilles de l'Ordre. Ils servaient aussi de témoin, consignant par écrit les audiences. Le dernier membre officiel de l'audience devait être un Divinateur. Le Divinateur avait le pouvoir d'affirmer si tout Serment, prononcé devant Junil, serait violé ou non.
     Ce qui avait mis Rosier en colère, c'était l'insistance avec laquelle le Divinateur avait fait accepter une quatrième personne à cette réunion: un condisciple Procurateur, Valin Phanuel. Valin était resté en retrait, devant la porte, ne sachant pas vraiment quoi faire. L'audience, comme toutes les choses de l'Ordre, avait un cheminement très précis. Cette cérémonie était prévue pour trois personnes, et seul le Divinateur semblait aisément s'en affranchir. Il commença.
     "Levez-vous Rosier, Chevalier du Second Coeur, Procurateur et Saint."
     Rosier s'exécuta et, comme il l'avait déjà fait de nombreuses fois, répéta la phrase, "Je suis le bouclier jusqu'à ce que l'épée se libère, je suis un porteur de la loi jusqu'à ce que mon seigneur m'accorde le repos, je suis un gardien de la paix jusqu'à ce que le serment soit trahi."
     "Quel serment me rapportez-vous, mon enfant?"
     Ce Divinateur était nouveau, et qui plus est une femme, chose assez inhabituelle. On avait en effet rappelé l'ancienne Divinatrice de l'Abbaye, mais pour on ne sait quelle raison. Rosier la rencontrait pour la première fois, mais il avait entendu dire que son comportement étrange en avait exaspéré plus d'un, dont le Confesseur de l'Abbaye. Rosier essaya de mettre ces pensées de côté et se concentra sur la raison de sa présence.
     "Aux montagnes d'Osul, une petite compagnie d'hommes altérés s'est faite capturer. Ils avaient servi le Prêtre Brûlé, mais depuis sa mort et ses légions invoquées parties, ils s'en étaient allés, les mains vides, loin de leur patrie. J'ai exigé d'eux le serment, le serment qu'ils abandonneraient leur violence et retourneraient à leur patrie. Je leur ai fait comprendre que le chemin serait difficile, mais que l'Ordre ne se mettrait pas en travers s'ils restaient fidèles à leur serment. Tous ont accepté."
     Le Confesseur écrivait les détails dans un tome et, une fois l'audience terminée, l'ouvrage serait précautionneusement emballé, puis apporté au Cynosure de Junil. Lorsqu'il eût terminé d'écrire, il entonna méthodiquement, "Ce que nous trois décidons fera loi, ne laissons jamais personne la détourner. Posez la question."
     Il lança un regard furieux en direction de Valin lorsqu'il dit "trois", peu disposé à changer son texte, comme si sa conviction en la sainteté de l'audience pourrait empêcher Valin de témoigner.
     Rosier continua, "Les hommes altérés honoreront-ils leur serment?"
     La Divinatrice considéra Rosier attentivement. Le précédent Divinateur aurait prié ici, aurait peut-être fait le tour de la pièce, aurait parlé à Junil dans des langues angéliques. Mais cette Divinatrice se contenta de s'asseoir, et de fixer Rosier du regard. Puis elle parla.
     "Qu'en pensez-vous?"
     Le Confesseur était sur le point d'exploser. Il ne pouvait rien dire, ce n'était pas à son tour de le faire, mais il devint blanc, puis rouge, et blanc à nouveau. Dans sa stupéfaction, il fit tomber des gouttes d'encre sur le tome, comprenant cette imprudence comme un signe évident envoyé par Junil, le signe que dans cette pièce tous allaient périr.
     "Moi?"
     "Oui, Rosier, qu'en pensez-vous?"
     "L'Osul ne peut pas subvenir aux besoins de plus d'êtres vivants, et les hommes altérés ne sont pas des chasseurs compétents. Beaucoup mourront de faim avant d'atteindre leur patrie. Après avoir servi le Prêtre Brûlé, ils ne pourront pas s'attendre à recevoir la charité des quelques personnes habitant cette région. Face à la mort ou à sa menace, la plupart d'entre eux choisiront de trahir le Serment."
     "Pourquoi les hommes trahissent-ils les serments?"
     Rosier n'était pas préparé à cette question, peu habitué à ce qu'on lui en pose; ce n'était pas dans la nature de l'Ordre. Il réfléchit.
     "Nombre de choses: l'avidité, la colère, la luxure. Quelque chose d'aussi mineur qu'un désir d'agir illégalement, comme la croyance que la personne est plus importante que le serment qu'elle a fait. Il existe probablement autant de raisons différentes qu'il existe d'hommes."
     "Valin, pourquoi les hommes trahissent-ils les serments?"
     La réponse était si claire dans son esprit, à moins qu'il voulut empêcher le Confesseur de s'évanouir, qu'il répondit en un mot, "la Faiblesse."
     La Divinatrice considéra cette réponse, puis sembla revenir à l'audience.
     "La plupart des hommes altérés trahiront leur serment. Ils tenteront d'attaquer un village nommé Hallowell, dans trois nuits. Prenez une compagnie de Procurateurs et attendez-les là-bas. Certains de ces hommes altérés ne participeront pas à l'attaque et continueront leur route, ne les retardez pas."
     Ils regardaient tous le Confesseur. Il n'écrivait plus et semblait être dans l'embarras de ne pas savoir quoi garder et quoi exclure du discours de la Divinatrice. Alors il nota précipitamment la décision de la Divinatrice et entonna, "Ce que nous trois décidons fera loi, ne laissons jamais personne la détourner".
     Rosier s'agenouilla de nouveau et dit son texte, "Je mènerai à bien ce devoir, et promets de mettre ma vie au service de cette tâche, et de Junil. Ceci est mon serment."
     La Divinatrice l'observa sans esquisser la moindre expression. Rosier se leva et quitta la pièce. Valin lui emboîta le pas. Mais avant que ce dernier ne franchisse la porte, la Divinatrice l'appela. Valin se retourna et referma la porte.
     "Une nouvelle audience nous attend," dit la Divinatrice.
     Valin regarda le Confesseur, aussi confondus l'un que l'autre. "Mais je n'ai témoigné d'aucun serment aujourd'hui."
     "Vous venez de le faire, ainsi nous devons ouvrir une nouvelle audience."


La Colonne de Feu

     Lorsque le messager nous rapporta que les Lanuns refusaient de se rendre, le Grand Inquisiteur soupira d'un air affligé, puis ordonna à notre armée de nous éloigner des murs. Les commandants contestèrent cette retraite apparente, mais le Grand Inquisiteur répliqua, "Attendons, et voyons." Il gravit une colline donnant sur le port de pirates, et commença ses prières.
     Cela débuta lentement, d'abord des émanations de fumée s'élevèrent des toits, puis rapidement des langues affamées se mirent à lécher le ciel, toujours plus hautes. En une minute la ville entière était en feu, et toujours les flammes continuaient de s'élever, tournant de plus en plus vite autour d'un axe central. La grande colonne de feu s'étirait jusqu'au zénith, tournoyant comme quelque cyclone de flammes infernales; et même à mille pieds des murs nous pouvions ressentir le vent ainsi créé aspirer l'air environnant.
     Le plus terrible arriva lorsque la colonne s'écroula et disparut. Alors il se mit à neiger, sauf que ce n'était pas de la neige, pas au beau milieu de l'été, mais les cendres de la ville et de ses habitants, emportées par la colonne de feu, qui se répandirent dans un rayon de mille pieds autour de ce qui jadis était un port florissant, désormais gigantesque crématorium.
     C'est à partir de cet instant que je commençai à douter du bien fondé de mes services au nom de l'Ordre.

- Journal de bord des Campagnes Lanuns, par Kell Magoran -

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