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Erebus

L'univers "dark fantasy" d'Erebus et ses centaines d'histoires traduites du mod de Civilization IV: "Fall From Heaven II"

Le Festival de Beltane - Partie 2

Publié le 31 Octobre 2016 par Stoik

Uireb   

 

Le Retour à Uireb

 

     Bien qu'il n'y avait rien d'extraordinaire à ce que les disciples manquent la Cérémonie de la Cloche aux soirs de Beltane, ni à ce qu'ils brillent par leur absence le matin suivant, ce type de conduite ne faisait pas partie des habitudes du studieux disciple Wyren. Il était pourtant le dernier que le festival intéressait, en dehors de ses obligations religieuses, et il ne portait aucun intérêt à la plupart des jeux ou manifestations qui fleurissaient dans la capitale elfe.

     Le Prêtre Tuathal examinait le parterre de fleurs avec intérêt. Elles avaient éclos aux différents moments de la journée, disposées en arc de cercle et dans l'ordre de leur floraison. Des numéros marquaient chacune des divisions, faisant du parterre de fleurs une grande horloge vivante tant il était aisé de lire l'heure en fonction des éclosions. Midi allait bientôt être atteint et Wyren manquait toujours à l'appel.
     Un écureuil caquetait bruyamment sur une branche au-dessus du prêtre, espérant recevoir quelques friandises. Tuathal fronçait les sourcils, contrarié de voir l'animal attendre qu'on le nourrisse plutôt que d'accumuler lui-même la nourriture de la forêt. Mais l'écureuil ne s'en laissa pas compter et suivit le prêtre d'arbre en arbre tandis que celui-ci traversait le bosquet situé entre les trois temples.
     Tuathal priait silencieusement pour quelque conseil divin. Il ne pouvait pas lui venir en aide mais sentait que quelque chose était arrivé à Wyren, même si autour de lui tout paraissait normal. Vexé d'être ignoré, l'écureuil grimpa sur la branche la plus proche de Tuathal pour bondir sur la statue d'un satyre au centre du bosquet. Mais, au lieu d'atterrir élégamment sur le bras du Satyre, l'écureuil passa totalement à travers la statue, échouant au sol dans un bruit sourd.
     Tuathal, pris de stupeur, fixa du regard l'écureuil comme la statue au travers de laquelle il venait de passer. Tirant une noisette de sa poche, il attira l'écureuil à lui, le posa sur son épaule, et lui donna le fruit tout en étudiant la statue. L'écureuil considérait la noisette avec la même défiance.
     Étirant lentement son bras, Tuathal le passa sans difficulté au travers de la statue, elle n'était qu'une illusion. La véritable statue n'était plus là.

     Hemah observait la scène. Le bosquet se remplissait très vite de prêtres, de sentinelles et de magiciens à la recherche de la statue manquante. Il n'avait pas peur de se faire remarquer alors qu'apparaissait une foule considérable de voyageurs curieux, de disciples et d'adeptes, tous intrigués.
     Devon, un elfe mâle aux cheveux d'or et aux yeux verts, menait les investigations. Il portait les habits d'un capitaine de sentinelle mais, au vu de son allure, il descendait à l'évidence de la noblesse. Le capitaine examina lui-même l'emplacement de la statue et, après avoir consulté un groupe de mage paraissant dépassé, il ordonna d'aller chercher Thessa. Hemah tendit l'oreille avec intérêt, il entendait ce nom pour la première fois, mais se doutait de qui il pouvait s'agir.
     En attendant Thessa, le capitaine inspecta le reste du bosquet, ordonnant aux curieux de reculer. Il découvrit des traces de chariot le traversant. Les plus profondes de ces traces menaient à l'une des routes les plus empruntées d'Uireb, où elles devenaient impossible à suivre. Il envoya tout de même un groupe de soldats descendre la route pour voir ce qu'ils trouveraient plus loin. Il ordonna ensuite à un autre groupe d'interroger les charretiers locaux afin de savoir si quelqu'un avait récemment apporté ou acheté un chariot capable de transporter une statue de marbre. Au lendemain de Beltane, des centaines de chariots correspondant à cette description avaient défilé dans les rues d'Uireb, mais le lieutenant accepta sa mission et mit tout en oeuvre pour l'accomplir.
     Peu après, une superbe archimage entra dans le bosquet; les mages théorisant à l'infini devinrent alors plus silencieux. Elle discuta calmement avec le capitaine, posa quelques questions aux mages, toujours aussi dubitatifs, puis inspecta la statue et s'agenouilla devant elle.
     "Cette statue représente-t-elle quelqu'un en particulier?" demanda-t-elle.
     Le prêtre Tuathal fronça les sourcils mais garda son sang-froid pour lui répondre, "Vos études vous ont certainement tenue trop longtemps éloignée du temple, demoiselle Thessa. Cette statue représente Gower, le fils favori de Cernunnos, tué par Agares au Premier Âge. Cette statue fut érigée par les elfes de cette lointaine époque en sa mémoire. Elle est l'une des plus anciennes reliques d'Uireb."
     "Les voleurs n'ont pas pour habitude de s'intéresser à ce point à l'histoire, des milliers d'autres statues dans Uireb auraient été plus faciles à voler. Une autre raison pourrait-elle expliquer la si grande valeur que celle-ci aurait pu avoir à leurs yeux?"
     Le prêtre se racla la gorge. Tous les yeux dans le bosquet se dirigèrent dans sa direction, et l'écureuil sur son épaule les foudroya du regard en retour.
     "Nous devons parler en privé." dit Tuathal, après un silence embarrassant.
     Devon ordonna à l'un de ses gardes de conduire le prêtre au temple pour une conversation plus privée. Mais Thessa ne tint pas compte de la réponse de Tuathal, pour elle ce n'était qu'un exemple supplémentaire de la manière dont les traditions Ljosalfars les empêchaient d'aller de l'avant. Elle prit alors une profonde respiration, ferma les yeux, et se mit à lancer des sorts.
     Magnifique, elle l'était encore davantage lorsqu'elle utilisait ses talents magiques. Ses cheveux noirs, peu communs chez les Ljosalfars, flottaient dans l'air, et son corps se tendait lorsqu'elle canalisait la puissance nécessaire à jeter des sortilèges. Hemah reconnut ce sort, elle voulait suivre le lien entre l'illusion et celui qui la maintenait. Elle essayait de le trouver. Mais juste avant qu'elle ne réussisse, Hemah se détacha de l'illusion et la statue disparut.
     "Que se passe-t-il? Tu l'as dissipée?" demanda Devon.
     Avec l'objet de sa magie disparu, Thessa lutta pour la faire cesser sans prendre le moindre risque. Ses mains rougeoyèrent comme si des étoiles dansaient à leur surface, disparaissant finalement.
     "Non," répondit Thessa, "je n'ai rien fait. Le lanceur a interrompu son sort avant que je puisse l'identifier."
     Devon considéra du regard le groupe des spectateurs attroupés, le lui retournant silencieusement. Alors il se tourna vers le dernier resté de ses lieutenants.
     "Emmène toutes les personnes ici présentes aux casernes, nous devons les interroger."
     Quelques heures plus tard, Hemah, toujours gardé dans les casernes, attendait d'être interrogé. Les citoyens d'Uireb furent les premiers à être questionnés, mais assez rapidement. Les interrogatoires durèrent plus longtemps avec les voyageurs. Hemah avait fait cesser le sortilège qu'il avait lancé avec l'amulette d'Alazkan, ayant espéré qu'il le cache assez longtemps. Aussi, contrairement à la plupart des mages, il ne gardait jamais rien de magique sur lui. Il était d'ailleurs moins préoccupé par les questions que par celui qui allait lui poser ces questions.
     Thessa avait la charge d'examiner tout les voyageurs, et peu après la tombée de la nuit, il fut convoqué, traînant les pieds jusque dans son petit bureau. Thessa parcourut les notes qu'un soldat avait rassemblées, et passa en revue les objets trouvés sur Hemah.
     "Ces objets vous appartiennent?"
     "Oui" répondit Hemah.
     "Que faites-vous à Uireb?"
     "Je suis venu pour le festival." répondit Hemah, assez honnêtement.
     "Une réponse courante en ce jour, vénérez-vous Cernunnos?" Thessa posait les questions de manière protocolaire, les objets devant elle l'intéressaient beaucoup plus. Une plume dorée, un masque et un sac d'encens étaient disposés sur la table; elle regardait la plume avec la plus grande des attentions.
     "Non, je ne suis pas véritablement croyant. Cependant j'apprécie les curiosités d'Uireb, ainsi que son festival."
     Pour la première fois, Thessa leva les yeux dans sa direction; la grande majorité des gens avec qui elle avait parlé aujourd'hui se déclaraient adorateurs de Cernunnos, même lorsqu'ils ne l'étaient pas. Son visage était sympathique, presque doux, et aurait pu être beau sans ces traits tirés par la fatigue. En revanche, il ne ressemblait pas à ce qu'on pouvait attendre d'un marchand, d'un mage ou d'une personne venant à Uireb pour le festival.
     "Qu'avez-vous à nous dire sur ces objets?" lui demanda-t-elle.
     "Le masque est pour le festival," Hemah mentait, il le portait pour ne pas voir son propre reflet. Il l'aidait à ne pas rêver de lui-même, une exaltante mais terrifiante expérience.
     "La plume, je l'ai trouvée aux abords de la frontière de votre empire. Je ne l'ai que depuis quelques jours et je ne suis pas certain de savoir quoi en faire."
     "Elle est splendide." Thessa était plus pragmatique que la plupart des Ljosalfars, n'ayant jamais placé haut les valeurs spirituelles ou artistiques, mais elle ne pouvait nier l'attraction provoquée par cette plume. Elle l'avait analysée plusieurs fois avant qu'Hemah n'entre dans la pièce, et c'est la raison pour laquelle elle voulait l'interroger personnellement. La plume n'était pas magique, mais elle ne pouvait croire à cette attraction au-delà de raisons surnaturelles.
     "Cette plume est la deuxième plus belle chose que j'ai jamais vu sur vos terres."
     L'intention d'Hemah était prévisible au vu de la manière dont il la regardait, mais Thessa feignit ne pas comprendre le compliment.
     "Et l'encens?"
     "Il m'aide à dormir." répondit honnêtement Hemah, "Mes rêves sont troublants parfois, mais lorsque je brûle l'encens dans la pièce où je dors, je ne les fais plus."
     "Cette astuce elfe est très ancienne, je suis surprise qu'un étranger la connaisse, en particulier un humain. Avez-vous acheté cet encens pendant le festival?"
     "Non, je l'ai acheté à un marchand, dans la cité de Kingsport. Mais je n'ai aucune idée de comment il se l'est procuré."
     Hemah fit une pause avant de continuer.
     "En ce qui concerne la plume... j'aimerais vous la donner."
     Ce geste surprit Thessa, la rendant suspicieuse, alors Hemah continua.
     "Comme je vous l'ai dit, je l'ai trouvée à la frontière de votre empire, alors c'est bien à vous qu'elle revient. Elle est bien trop jolie pour servir de rembourrure à ma tunique."
     En temps normal, Thessa n'aurait pas accepté un cadeau dans le cadre d'une enquête. Qu'il offre quelque présent impliquait sa probable culpabilité. Mais elle ne pouvait s'empêcher de penser que son cas était différent, que cet homme était seul et suspect, mais qu'il ne pouvait être seul responsable de la disparition de la statue ou du disciple Wyren. Alors elle se trouva dans l'incapacité de refuser la plume.
     "Êtes-vous certain de vouloir m'offrir cette plume? L'effet sur nos investigations n'en sera pas changé. Vous passerez vous aussi la nuit en prison."
     Hemah acquiesça, "Je suis certain de vouloir vous la rendre."
     Thessa glissa la plume dans ses longs cheveux noirs, elle lui sourit. La beauté de cet instant s'inscrivit à jamais dans le coeur d'Hemah, et c'était le plus qu'il pouvait faire sans avoir à lui déclarer son amour éternel. Alors elle s'avança, se pencha, et l'embrassa doucement sur la joue, murmura ses remerciements et quitta la pièce. Thessa laissa derrière elle un être bouleversé.

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