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Erebus

L'univers "dark fantasy" d'Erebus et ses centaines d'histoires traduites du mod de Civilization IV: "Fall From Heaven II"

L'Histoire de Saverous - Partie 3

Publié le 31 Octobre 2016 par Stoik

knight

 

Acte I - Chapitre 3

     C'était arrivé six fois depuis qu'il avait sorti la vache du ravin. Et à chaque fois Saverous se retrouvait entièrement vidé de sa force. Pontif laissait entendre qu'en cas d'ultime besoin les runes pouvaient s'activer. Mais ces moments semblaient aléatoires, bien que leur durée s'allongeait chaque fois un peu plus.
     Saverous réfléchissait à tout cela tandis qu'il déterrait des racines de mandragore. Se frayant un chemin à travers les arbres, un cheval approcha; le claquement du harnais et de l'équipement indiquaient une allure régulière. La plupart des villageois ne montaient pas les chevaux, et encore moins ici, dans les bois; c'est pourquoi Saverous ramassa les quelques pieds de mandragore qu'il venait de nettoyer avant de repartir vers la grange, optant pour un chemin qui lui éviterait de croiser le cheval.
     Mais les bruits du cheval devenait de plus en plus fort; son allure n'avait pas augmenté mais il avait volté pour le suivre. Il n'était pas visible au travers des arbres. Saverous changea lui aussi de direction et s'enfonça dans la forêt, faisant bien attention à rester le plus silencieux possible, malgré sa taille imposante. Le cheval volta de nouveau et il put l'apercevoir d'un rapide coup d'oeil. C'était un magnifique cheval noir, qui se déplaçait avec précision, avec perfection presque. Ce n'était définitivement pas un des chevaux du village.
     Réalisant qu'il n'arriverait pas à semer le cavalier, Saverous se baissa pour déraciner une autre poignée de mandragore, là où son nouveau chemin l'avait mené. Le cavalier lui parut aussi ordinaire que son cheval lui semblait royal. Il était vêtu d'une cotte de maille recouvrant sa tunique, bien que les pièces d'une armure étaient visibles sur son cheval. Une lance légère et un long glaive, dont la garde avait été enveloppée d'un cuir sombre, étaient accrochés à la selle. Le cavalier  disposait aussi d'une longue épée à ses côtés, et il posa la main sur son manche en s'approchant.
     “J'apporte un message des serviteurs de Junil,” dit-il en invoquant le dieu de la Lumière et de la Justice, “vous avez été reconnu coupable de crimes contre l'Homme et contre le Paradis.”
     Il fit une pause comme s'il espérait une réponse. Saverous continua de le regarder tout en bêchant, comme absent, la mandragore.
     “Me comprenez-vous?”
     Saverous acquiesça. Le cavalier lui paraissait bien âgé pour quelqu'un voyageant dans ces bois et faisant jaillir de sa bouche de telles absurdités.
     “Je ne suis ni juge ni partie, je ne suis ici que pour vous apporter votre sentence. Un dieu m'a mené à vous, pour être votre exécuteur. Je reviendrai d'ici un jour. A présent vous aurez trois options: soit vous vous battrez et je vous tuerai, soit vous vous échapperez et je vous chasserai jusqu'à vous abattre, soit vous vous repentirez. Si vous vous repentez, la pitié vous sera accordée. Junil pardonnera votre âme si vous êtes honnête, et je vous quitterai. Si vous suivez les serments de votre repentance vous ne me reverrez plus jamais, mais dans le cas contraire je reviendrai pour vous.”
     “Je suis vraiment désolé. Si j'avais réalisé que vous pouviez considérer la récolte de mandragore aussi sérieusement, je vous aurais d'abord demandé la permission.” Le cavalier ne sembla pas apprécier ce trait d'humour.
     “Vous avez une journée, Saverous Gan-Fienel, avant de me revoir. Réfléchissez bien à ces mots.”
     Alors il fit faire demi-tour à son cheval et partit au même rythme qu'il était venu.


Acte I - Chapitre 4

     Pontif faisait part de son inquiétude à Saverous, au sujet du cavalier.
     “Saverous, écoute-moi. Tu ne sais rien de cet homme, ou même du nombre de personnes avec qui il pourrait voyager. Il vaudrait mieux pour toi que tu te caches jusqu'à ce qu'il quitte la ville.”
     “Je suis persuadé qu'il n'est rien de plus qu'un de ces nombreux chasseurs venus venger quelque ami ou parent que j'aurais tué pendant la guerre.”
     En effet, ils étaient nombreux ceux qui avaient erré dans le village, ceux qui avaient suivi les rumeurs de la présence de Saverous en ces lieux. Mais les villageois leur mentaient et les induisaient en erreur, si bien qu'ils repartaient le plus souvent encore plus troublés qu'ils étaient venus. Deux d'entre eux avaient même réussi à le suivre à la trace et à l'attaquer, mais Saverous avait facilement pris le dessus sur ces hommes tenaces, mais guère talentueux. Il ne les avait pas tués, bien que leur montrant qu'il aurait pu. Il leur avait plutôt expliqué ce qui s'était réellement passé, implorant leur pardon, et les laissant repartir, leur noble mission anéantie. Saverous se demanda ensuite si le plus grand service qu'il aurait pu leur rendre n'aurait pas été de les laisser le tuer.
     Kamun s'assit pour fumer la pipe, écoutant Pontif et Saverous argumenter. Il essayait de peser sur la discussion. “Personne au village ne l'a vu, et s'il t'a trouvé la dernière fois, sans l'aide de personne, il y a de fortes chances pour qu'il soit capable d'y arriver une seconde fois. Et tu dis que son cheval était bien entraîné, peut-être était-ce un cheval de guerre? D'après tes dires, il semblerait que l'homme soit un chevalier d'une valeur certaine.”
     “Ou alors,” dit Saverous, “il a volé sa monture à un chevalier d'une valeur certaine.” Mais Saverous n'y croyait pas lui-même, il l'avait vu trop bien le monter. Le cheval lui obéissait trop naturellement. Il était clair pour lui que c'était un chevalier d'une envergure certaine.
     “Joue simplement son jeu et repentis-toi.” soutint Pontif une énième fois, comme s'il leur reprochait de ne pas avoir su saisir la logique de son raisonnement les fois précédentes. “Il passera son chemin.”
     Après la destruction du Prêtre Brûlant, la Lumière de Junil, un ordre de guerriers saints Bannors, aurait chargé l'une des quelques armées survivantes des légions du Prêtre Brûlant, une tribu d'hommes altérés. Mais, leurs alliés invoqués par le Prêtre partis, les altérés capitulèrent rapidement. La Lumière de Junil leur proposa alors deux options: le repentir ou la mort. Quelques uns choisirent de mourir, mais la plupart d'entre eux opta pour la repentance. Mais moins d'une semaine plus tard, leurs vivres épuisés et se trouvant dans un territoire inconnu, les hommes altérés attaquèrent un village frontalier des Bannors. La Lumière de Junil se trouvait dans se village, comme si elle s'était attendue à l'attaque. Et à peine l'assaut était lancé par les altérés, que déjà les guerriers saints chargeaient. Pas un seul des hommes altérés impliqués dans l'attaque ne survivra. Les seuls à s'en sortir seront ceux qui auront refusés de prendre part à l'assaut, ceux qui auront pris le risque de mourir de faim dans leur long périple pour retourner vers leur patrie.
     “J'y réfléchirai. Laissez-moi me reposer maintenant.” Saverous fixait du regard la faux toujours accrochée au mur après ces années. Il ne pouvait pas s'expliquer ce que cette faux symbolisait pour lui, mais dans ces moments-là ses yeux étaient sans cesse attirés par la lame recourbée.
     Pontif semblait soucieux. Les sourcils de Saverous se plissaient dangereusement et il savait qu'il ferait mieux d'attendre le lendemain matin pour terminer de convaincre Saverous.
     Kamun posa une main sur l'épaule de Saverous avant de partir. “Tu es un homme bien, ces chasseurs ne le comprennent pas. Ne laisse pas leur ignorance t'affecter.”
     Saverous ne répondit pas, et Kamun, n'espérant pas la moindre réponse, suivit Pontif hors de la grange. Saverous ferma la porte et la verrouilla derrière eux. S'allongeant par terre, il se préparait déjà à la pire des visites de l'un de ces chasseurs. Et ils pourraient toujours parler de la perte de l'être aimé, vouloir désigner cette personne, montrer ô combien était important le moment de sa mort. Mais jamais Saverous ne se rappellera. Maintenant qu'il essayait de s'endormir, tous ces visages défilaient dans son esprit. Il se demandait lequel ce cavalier était venu venger, cherchant quelque fils qui aurait partagé certains traits de ce chevalier usé par le temps. Peut-être était-ce une femme, un nourrisson, une jeune fille ou un garçon. Saverous en avait tué tellement.
     Ne se souvenant jamais de la personne avec exactitude il imaginait toujours quelqu'un lui ressemblant; il avait déjà demandé pardon pour certaines d'entre elles, mais quelques petits milliers encore restaient.
     Saverous y pensa jusqu'à s'endormir. Ses victimes erraient dans ses rêves, des victimes recouvertes de sang qui hurlaient à la mort.

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